Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/201

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— Comte ! Comte ! — cria Berg qui était aussi animé que Boris et accourait de l’autre côté. — Comte ! je suis blessé à la main droite, — dit-il en montrant son poignet ensanglanté et bandé d’un mouchoir. Et je suis resté dans le rang. Comte ! J’ai tenu mon épée de la main gauche ! Dans notre famille des Von Berg, comte, tous étaient des chevaliers.

Berg dit encore quelque chose, mais Rostov sans l’écouter jusqu’au bout partait plus loin.

En dépassant la garde et l’espace vide, Rostov, pour ne pas tomber de nouveau dans la première ligne, comme il était tombé sous l’attaque des chevaliers-gardes, se dirigea sur la ligne des troupes de réserve et dépassa beaucoup d’endroits d’où l’on entendait la fusillade et la canonnade la plus nourrie. Tout à coup, devant lui et derrière nos troupes, de l’endroit où il ne pouvait nullement supposer l’ennemi, il entendit une fusillade très proche. « Qu’est-ce que ce peut être ? pensat-il. L’ennemi sur nos derrières ! C’est impossible ! » Et soudain il était envahi par la peur pour soi-même et pour l’issue de la bataille. « Quoiqu’il en soit maintenant il n’y a plus à reculer, je dois chercher le général en chef, ici, et, si tout est perdu, mon devoir est de périr avec tous les autres. »

Le mauvais pressentiment qui tout à coup avait empoigné Rostov, se justifiait de plus en plus au fur