Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/202

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à mesure qu’il s’avancait dans l’espace occupé par des masses de troupes diverses qui se trouvaient derrière le village Pratzen.

— Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ? Sur qui tire-t-on ? qui tire ? — demanda Rostov quand il se croisa avec des soldats russes et autrichiens qui couraient dans la foule mélangée et lui coupaient la route.

— Eh ! le diable le sait ! Il nous a écrasés tous ! Tout est perdu ! — lui répondirent en russe, en allemand, en tchèque, les bandes de fuyards, qui ne comprenaient pas mieux que lui ce qui passait.

— …Bat les Allemands ! — cria l’un.

— Que le diable les emporte, les traîtres !

Zum Henker diese Russen[1]… — grommelait un Allemand.

Quelques blessés se traînaient sur la route. Les injures, les cris, les gémissements se confondaient dans un grondement général. La canonnade cessa, et Rostov reconnut après que c’étaient des soldats russes et autrichiens qui tiraient les uns sur les autres.

« Mon Dieu ! qu’est-ce donc ? pensa Rostov. Et cela se passe ici, quand, à chaque moment, l’empereur peut les voir… Mais non, ce ne sont, sans doute, que quelques lâches… Ce n’est pas

  1. Au diable ces Russes !