Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/240

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après un certain temps, aux anciennes conditions de la vie. Il lui semblait être devenu très martial et avoir grandi. Le désespoir à cause du mauvais examen de religion, l’emprunt chez le cocher Gavrilo, les baisers furtifs à Sonia, maintenant il se rappelait tout cela comme un enfantillage dont il était fort éloigné. Maintenant, il est lieutenant de hussards, avec un dolman galonné d’argent, avec la croix d’argent de Saint-Georges ; il entraîne son trotteur avec des amateurs âgés, très respectables et très connus. Il connaît au Boulevard, une dame chez qui il va le soir ; il dirige la mazurka au bal des Arkharov, cause de la guerre avec le feld-maréchal Kaminsky, fréquente le club anglais, tutoie un colonel d’une quarantaine d’années avec qui Denissov lui a fait faire connaissance.

À Moscou, sa passion pour l’empereur faiblit un peu, parce qu’il ne le voyait pas et n’avait pas l’occasion de le voir, mais il parlait souvent de l’empereur, de son amour pour lui, en laissant entendre qu’il ne racontait pas tout, qu’il y avait dans son affection pour l’empereur quelque chose que tous ne pouvaient comprendre. Et de tout son cœur il partageait le sentiment général d’adoration pour l’empereur Alexandre Pavlovitch que professait alors tout Moscou où on l’avait surnommé l’ange terrestre.

Pendant son court séjour à Moscou, jusqu’à son départ à l’armée, Rostov ne se rapprochait pas de