Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/287

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sion des yeux fixés à l’intérieur, propre aux femmes enceintes ; puis, tout à coup, elle se mit à pleurer.

— On a reçu des nouvelles d’André ? demanda-t-elle.

— Non, tu sais qu’il n’a pu en arriver, mais mon père s’inquiète et pour moi c’est terrible.

— Alors il n’y a rien ?

— Rien — dit la princesse Marie — en regardant fermement sa belle-sœur de ses yeux rayonnants. Elle avait décidé de ne rien lui dire et de convaincre son père de cacher la terrible nouvelle à sa belle fille jusqu’à après son accouchement, qu’on attendait dans quelques jours.




La princesse Marie et le vieux prince, chacun à sa façon, supportaient leur douleur. Le vieux prince ne voulait pas espérer ; il avait décidé que le prince André était mort et, bien qu’il eût envoyé quelqu’un en Autriche avec mission de chercher les traces de son fils, il lui avait commandé un monument qu’il avait l’intention de faire élever dans son parc ; il disait à tous que son fils était tué. Il s’évertuait à ne rien changer à sa vie extérieure, mais ses forces le trahissaient : il marchait, mangeait et dormait moins et ses forces s’affaiblissaient de jour en jour.

La princesse Marie espérait. Elle priait pour son frère comme pour un vivant, et attendait à chaque moment la nouvelle de son retour.