Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/316

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dames, et, appuyé sur son sabre, battant du pied en mesure, il racontait gaiment quelque chose et faisait rire les vieilles dames tout en regardant danser la jeunesse. Ioguel, dans le premier couple, dansait avec Natacha, son orgueil, sa meilleure élève. Doucement, mollement, en battant de ses pieds en souliers découverts, Ioguel s’élança le premier à travers la salle avec Natacha intimidée, mais qui faisait très exactement le pas. Denissov ne la quittait pas des yeux et battait la mesure avec son sabre, d’un tel air qu’il semblait dire : « Si je ne danse pas c’est parce que je ne veux pas et non parce que je ne peux pas. » Au milieu de la figure il appelle Rostov qui passait devant lui.

— C’est pas du tout ça, dit-il. Est-ce la mazu’ka polonaise ? Et elle danse admi’ablement.

Sachant que Denissov, même en Pologne, avait la réputation d’un grand maître pour la mazurka polonaise, Nicolas courut vers Natacha.

— Va, choisis Denissov. Il dansera. C’est une merveille ! lui dit-il.

Quand vint de nouveau le tour de Natacha, elle se leva, et marchant rapidement, dans ses petits souliers à bouffettes, timide elle traversa la salle, allant du côté où était assis Denissov. Elle remarquait que tous la regardaient et l’attendaient. Nicolas vit que Denissov et Natacha discutaient en souriant, que Denissov refusait mais souriait joyeusement. Il accourut à eux.