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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/440

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— Non, pourquoi pensez-vous ainsi ? Vous ne devez pas penser ainsi, — commença Pierre, tout à coup, en baissant la tête et prenant l’attitude d’un bœuf qui se prépare à frapper des cornes.

— À quel propos ? — demanda Bolkonskï étonné.

— Sur la vie, sur la destinée de l’homme. Cela ne peut être. Autrefois j’ai pensé comme vous, mais j’ai été sauvé. Savez-vous par qui ? Par la maçonnerie. Non, ne riez pas. La maçonnerie n’est pas une secte religieuse de rites, comme je le pensais, c’est l’expression unique, parfaite, des côtés les meilleurs, des côtés éternels de l’humanité.

Et il se mit à exposer au prince André la maçonnerie telle qu’il la comprenait.

Il disait que la maçonnerie c’est la doctrine du Christ débarrassée des entraves de l’État et de la religion, la doctrine de l’égalité, de la fraternité, de l’amour.

— Seule notre sainte fraternité a un sens réel dans la vie. Tout le reste n’est que rêve. Comprenez donc, mon ami, qu’en dehors de cette union tout n’est que mensonge et tromperie, et je suis d’accord avec vous que pour un homme intelligent et bon il ne reste qu’à faire comme vous : finir sa vie en s’efforçant seulement de ne pas nuire aux autres. Mais adoptez nos convictions fondamentales, entrez dans notre fraternité, laissez-nous vous guider et vous vous sentirez être immédiatement, comme je l’ai senti, un anneau de la chaîne infinie dont