Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/502

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scandant chaque syllabe, et avec un calme et une assurance, révoltants pour Rostov, en regardant les rangs des soldats russes qui se dressaient devant lui, présentant toujours les armes, et regardant immobiles le visage de leur empereur.

Votre Majesté me permettra-t-elle de demander l’avis du colonel. — dit Alexandre, et il fit rapidement quelques pas vers le prince Kozlovskï, commandant du bataillon.

Bonaparte déganta sa petite main blanche et déchirant le gant le jeta. L’aide de camp qui était derrière s’élança vivement et le ramassa.

— À qui donner ? demandait à voix basse, en russe, l’empereur Alexandre à Kozlovskï.

— À qui ordonnez-vous, Votre Majesté ?

L’empereur, mécontent, fronça les sourcils, se détourna et dit :

— Il faut pourtant lui répondre quelque chose.

Kozlovskï, d’un air résolu, regarda les rangs et dans ce regard il embrassa aussi Rostov. « Peut-être moi ! » pensa Rostov.

— Lazarev ! appela le colonel en fronçant les sourcils. Le soldat Lazarev, qui se trouvait le premier du rang, s’avança bravement.

— Où vas-tu ? Attends ici !… chuchotait-on à Lazarev qui ne savait où aller. Lazarev s’arrêta, regardant effaré le colonel, et son visage tremblait comme il arrive aux soldats appelés devant le front.

Napoléon tourna à peine la tête, fit un mouve-