Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/76

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— Je ne sais pas comment « vous », mon père ? murmura la princesse Marie.

— Moi ? Moi ! Quoi moi ? Mettez-moi de côté. Ce n’est pas moi qui me marie. Qu’est-ce que vous pensez, vous ? Voilà ce qu’il est intéressant de savoir.

La princesse s’aperçut que son père voyait cette demande d’un mauvais œil ; mais en ce moment, il lui vint la pensée que maintenant ou jamais le sort de sa vie se déciderait. Elle baissa les yeux pour ne pas voir le regard sous l’influence duquel elle se sentait incapable de penser, et auquel, par habitude, elle ne savait qu’obéir et elle dit :

— Je ne désire qu’une chose : faire votre volonté. Mais s’il fallait exprimer mon désir…

Elle ne parvint pas à achever, le prince l’interrompit.

— Bon ! cria-t-il. Il te prendra avec ta dot, et en même temps emmènera mademoiselle Bourienne. Celle-ci sera la femme et toi… — Le prince s’arrêta. Il remarqua l’impression que ces paroles produisaient sur sa fille. Elle baissait la tête, prête à pleurer.

— Bon, je plaisante, je plaisante, dit-il. Souviens-toi, princesse, que je m’en tiens à ce principe, que la fille a le plein droit de choisir, et tu as pleine liberté. Souviens-toi d’une chose : de ta décision dépend le bonheur de ta vie. Il n’y a pas à penser à moi.

— Mais je ne sais pas, mon père.