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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/87

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cela pouvait être, mais ne le comprenait pas.

— Tu lui écriras ? demanda-t-elle. Sonia devint pensive.

Comment écrire à Nicolas ? Faut-il lui écrire, et quoi ?… cette question la tourmentait. Maintenant qu’il était déjà officier et héros blessé, était-il bien de sa part de se rappeler à lui, comme pour lui remémorer l’engagement qu’il avait pris envers elle.

— Je ne sais pas ; je pense que s’il écrit, j’écrirai aussi, dit-elle en rougissant.

— Et tu ne seras pas gênée de lui écrire ?

Sonia sourit.

— Non.

— Et moi, j’aurais honte d’écrire à Boris ; je n’écrirais pas.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas, comme ça. J’aurais honte.

— Et moi, je sais pourquoi elle aurait honte, dit Pétia, blessé par la première observation de Natacha. Parce qu’elle était amoureuse de ce gros aux lunettes. (Pétia désignait ainsi son homonyme Pierre Bezoukhov.) Maintenant elle est amoureuse de ce chanteur. (Pétia parlait de l’Italien, professeur de chant de Natacha.) Et voilà, elle a honte.

— Pétia, tu es sot — dit Natacha.

— Pas plus sot que toi, ma petite mère — répondit Pétia, garçon de neuf ans, comme s’il était un vieux brigadier.