Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol8.djvu/88

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La comtesse était préparée par les allusions d’Anna Mikhaïlovna pendant le dîner. En entrant dans sa chambre, assise sur la chaise, elle n’ôtait pas les yeux du portrait miniature de son fils, sur sa tabatière, et ses yeux s’emplissaient de larmes. Anna Mikhaïlovna, la lettre à la main, s’approcha sur la pointe des pieds de la chambre de la comtesse et s’arrêta.

— N’entrez pas, dit-elle au vieux comte qui marchait derrière elle. Après. Et elle referma la porte derrière elle. Le comte appliqua l’oreille à la serrure et écouta.

Au commencement il entendit le son de paroles indifférentes, ensuite le son de la voix seule d’Anna Mikhaïlovna ; elle parlait longuement. Ensuite un cri ; après le silence ; ensuite de nouveau deux voix qui parlaient ensemble avec des intonations joyeuses ; ensuite des pas et Anna Mikhaïlovna lui ouvrit la porte. Le visage de cette dernière avait l’expression joyeuse de l’opérateur qui a terminé une amputation difficile et qui introduit le public pour faire admirer son art.

C’est fait, — dit-elle au comte en désignant d’un geste solennel la comtesse qui tenait d’une main la tabatière au portrait, de l’autre la lettre, et posait ses lèvres tantôt sur l’une, tantôt sur l’autre. En apercevant le comte, elle lui tendit les mains, embrassa sa tête chauve, et par derrière la tête chauve regarda de nouveau la lettre et le por-