Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/16

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ni bonheur. Tenez, regardez les sapins écrasés, morts, toujours seuls ; regardez-moi, voilà, j’ai écarté mes doigts cassés, n’importe où ils croissent, de dos, de côté, et je reste ainsi et ne crois ni à vos espoirs ni à vos mensonges ! »

Le prince André, en avançant dans la forêt, se retourna plusieurs fois vers ce chêne comme s’il en attendait quelque chose. Les fleurs et l’herbe croissaient sous le chêne, mais lui, aussi sombre, aussi immobile, était obstinément debout parmi elles.

— « Oui, ce chêne a raison, mille fois raison, pensa le prince André. Que les autres, les jeunes, cèdent de nouveau à cette tromperie. Pour nous, nous qui connaissons la vie, notre vie est terminée ! »

Une nouvelle série d’idées, désespérées mais agréablement tristes, surgirent dans l’âme du prince André tandis qu’il pensait à ce chêne.

Pendant ce voyage il semblait de nouveau réfléchir à toute sa vie et arriver à la conclusion ancienne, apaisante, et résignée, qu’il ne faut rien commencer, qu’il faut terminer sa vie sans faire le mal, sans se troubler, sans rien désirer.