Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/171

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s’irrite. Cette irritation, comme vous le savez, est portée principalement sur les affaires publiques. Il ne peut supporter la pensée que Buonaparte traite d’égal à égal avec tous les empereurs d’Europe et surtout avec le nôtre, avec le petit-fils de la grande Catherine ! Comme vous le savez, je suis tout à fait indifférente aux choses politiques, mais, des paroles de mon père et par ses conversations avec Mikhaïl Ivanovitch, je sais tout ce qui se passe et surtout les honneurs qu’on accorde à Buonaparte ; il me semble qu’il n’y a guère qu’à Lissia-Gorï qu’on ne le reconnaît pas pour un grand homme et encore moins pour l’empereur des Français. Mon père ne peut le supporter ; vu ses idées sur les affaires politiques, et prévoyant les discussions qu’il aurait à cause de son habitude d’exprimer ses opinions sans se gêner, il ne parle pas volontiers du voyage à Moscou. Tout le profit qu’il tire de la cure, il le perd par ses discussions sur Buonaparte qu’il invective tout seul. En tout cas cela se décidera très prochainement. Notre vie de famille est toujours la même à l’exception de la présence de mon frère André. Lui, comme je vous l’ai déjà écrit, a beaucoup changé ces temps derniers. Depuis sa douleur ce n’est que de cette année qu’il revit moralement. Il est devenu tel que je le connaissais enfant : bon, tendre, avec ce cœur d’or dont je ne connais pas le pareil. Il a compris, à ce qu’il me semble, que la vie n’est pas finie pour