Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais Bolkonskï ayant regardé plusieurs fois Natacha qui riait de quelque chose et s’amusait avec l’autre jeune moitié de la société, se demandait toujours : « À quoi pense-t-elle ? Pourquoi est-elle si heureuse ? »

Le soir, resté seul en ce nouvel endroit, de longtemps il ne put s’endormir. Il lut, puis éteignit la bougie, puis la ralluma. Dans la chambre, dont les volets intérieurs étaient fermés, il faisait chaud. Il marmonnait contre ce sot vieillard (il désignait ainsi le vieux Rostov) qui l’avait retenu sous prétexte que les papiers nécessaires n’étaient pas encore arrivés de la ville. Il s’en voulait d’être resté.

Le prince André se leva et s’approcha de la fenêtre pour l’ouvrir. Dès qu’il eut poussé les volets, le clair de lune, comme s’il guettait près de la fenêtre et attendait depuis longtemps ce moment, inonda la chambre. Il ouvrit la fenêtre. La nuit était fraîche, immobile et claire. Juste devant la fenêtre s’alignaient des arbres tordus, noirs d’un côté, argentés de l’autre ; sous les arbres croissait une végétation quelconque, grasse, humide, rameuse avec, par ci, par là, des feuilles et des tiges argentées. Plus loin, derrière les arbres noirs, un toit brillait sous la rosée ; plus loin, un grand arbre branchu, au tronc clair, blanc ; plus haut, la lune, alors presque entière, et le ciel clair printanier, à peu près sans étoiles. Le prince