Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/341

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père, se fâcha encore davantage pour avoir rougi et, d’un regard hardi, provocant, qui disait qu’elle-même n’avait peur de personne, elle regarda la princesse. Celle-ci dit au comte combien il était bon et qu’elle lui demandait de rester plus longtemps chez Anna Séméonovna, et Ilia Andréiévitch sortit.

Mademoiselle Bourienne ne se retirait pas malgré les regards que lui jetait la princesse Marie, qui désirait parler seule à seule avec Natacha, et elle tenait fermement la conversation sur les plaisirs de Moscou et le théâtre. Natacha était offensée par le trouble qui s’était produit dans l’antichambre, par l’inquiétude de son père et le ton forcé de la princesse qui, lui semblait-il, lui faisait une grâce en la recevant, c’est pourquoi tout lui était désagréable. La princesse Marie ne lui plaisait pas : elle la trouvait très laide, affectée et sèche. Tout d’un coup Natacha se crispa moralement et, malgré soi, prit un ton négligent qui éloignait d’elle encore davantage la princesse Marie. Après cinq minutes de conversation pénible, forcée, on entendit s’approcher des pas rapides, en pantoufles. Le visage de la princesse Marie exprima l’effroi. La porte de la chambre s’ouvrit et le prince entra ; il était en bonnet blanc et robe de chambre.

— Ah ! mesdames ! se mit-il à dire. Madame la comtesse, la comtesse Rostov, si je ne me trompe. Je vous demande pardon, pardon, je ne savais pas, mademoiselle. Dieu est témoin que je ne savais pas