Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/357

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entendit de la loge de la comtesse Bezoukhov une voix d’homme ; elle devina que c’était celle de Kouraguine. Elle se tourna et leurs yeux se rencontrèrent. Lui, presque souriant, la regardait dans les yeux avec un regard si enthousiaste et si tendre qu’il lui semblait étrange d’être si près de lui, de le regarder ainsi, d’être convaincue de lui plaire et de ne pas le connaître.

Au deuxième acte, des tableaux représentaient des monuments, et la toile était percée d’un trou qui figurait la lune. On leva les abat-jour sur la rampe, et, dans la basse, les trompettes et les contrebasses commencèrent à jouer, et de droite et de gauche sortirent beaucoup de gens en manteaux noirs. Tous se mirent à remuer les bras, et dans leurs mains ils tenaient quelque chose comme un poignard. Ensuite, d’autres personnes accoururent entraînant la jeune fille qui, au premier acte, était en robe blanche, et qui, maintenant, était en bleu. Ils ne l’entraînèrent pas d’un coup, mais longtemps chantèrent avec elle, et seulement après l’entraînèrent, puis derrière les coulisses, on frappa trois coups sur quelque chose de métallique, et tous se mirent à genoux et entonnèrent une prière.

Tout ceci fut plusieurs fois entrecoupé par les cris enthousiastes des spectateurs.

Pendant cet acte, chaque fois que Natacha regardait l’orchestre elle voyait Anatole Kouraguine