Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/394

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Sonia soupira et hocha la tête avec méfiance.

— S’il y avait des causes… commença-t-elle.

Mais Natacha, devant ce doute, l’interrompit effrayée.

— Sonia ! on ne peut pas douter de lui. On ne le peut pas, on ne le peut pas !

— Est-ce qu’il t’aime ?

— S’il m’aime ? répéta Natacha avec un sourire de pitié pour l’inintelligence de son amie. Tu as lu la lettre, tu l’as vue ?

— Mais si ce n’est pas un homme noble ?

— Lui ? Pas un homme noble ? Si tu le connaissais…, dit Natacha.

— S’il est noble, il doit ou déclarer son intention ou cesser de te voir. Et si tu ne veux pas l’y obliger, c’est moi qui le ferai pour toi. Je lui écrirai, je le dirai à père, dit résolument Sonia.

— Mais je ne puis vivre sans lui ! s’écria Natacha.

— Natacha, je ne te comprends pas, que dis-tu ? Souviens-toi de ton père, de Nicolas.

— Je n’ai besoin de personne. Je n’aime personne, sauf lui. Comment oses-tu dire qu’il n’est pas noble ? Ne sais-tu pas que je l’aime ! s’écria Natacha. Sonia, va-t’en, je ne veux pas me fâcher avec toi, mais va-t’en au nom de Dieu, va-t’en ! Tu vois comme je me tourmente ! s’écria méchamment Natacha d’une voix agacée et désespérée.

Sonia en sanglotant s’enfuit dans sa chambre.