Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/435

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sait trouver le prince André dans un état analogue à celui de Natacha, c’est pourquoi il fut étonné, en entrant au salon, d’entendre dans le cabinet la haute voix du prince André, qui causait avec animation d’une intrigue, à Saint-Pétersbourg. Le vieux prince et une autre voix l’interrompaient de temps en temps. La princesse Marie sortit à la rencontre de Pierre.

Elle soupira en désignant des yeux la porte où était le prince André ; elle voulait évidemment exprimer sa compassion pour sa douleur. Mais Pierre voyait au visage de la princesse Marie quelle était contente de ce qui était arrivé et de la façon dont son frère avait pris la nouvelle de la trahison de sa fiancée.

— Il a dit qu’il s’y attendait, prononça-t-elle. Je sais que son orgueil ne lui permet pas d’exprimer son sentiment, mais cependant il supporte cela beaucoup mieux que je ne m’y attendais. Évidemment ce devait être ainsi.

— Mais est-ce que tout est fini ? dit Pierre.

La princesse Marie le regarda, étonnée. Elle ne comprenait même pas qu’on pût demander cela. Pierre entra dans le cabinet. Le prince André était en civil, très changé ; il paraissait plus fort ; mais une nouvelle ride séparait ses sourcils ; il était en face de son père et du prince Mestcherskï, et discutait chaleureusement en faisant des gestes énergiques. On parlait de Spéransky. La nouvelle de sa dépor-