Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol9.djvu/436

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tation et de sa trahison imaginaire venait d’arriver à Moscou.

— Maintenant, tous ceux qui un mois avant l’admiraient l’accusent, dit le prince André, même ceux qui ne pouvaient comprendre ses buts. Juger un homme en disgrâce, c’est facile, ainsi qu’accumuler sur lui toutes les fautes des autres. Et moi, je dirai que si pendant ce règne on a fait quelque chose de bon, c’est grâce à lui et à lui seul.

Il s’arrêta en apercevant Pierre. Son visage tressaillit et aussitôt prit une expression méchante.

— Et la postérité lui rendra justice, acheva-t-il en s’adressant à Pierre.

— Eh bien, toi, comment ! Tu bedonnes toujours ! prononça-t-il avec animation, mais la nouvelle ride creusa encore plus son front. Moi, je me porte bien, répondit-il à la question de Pierre, et il sourit. Pour Pierre il était clair que son sourire voulait dire : « Je me porte bien, mais ma santé n’est nécessaire à personne. » Après avoir dit quelques mots à Pierre sur la mauvaise route de la frontière polonaise, sur la rencontre en Suisse de gens connus de Pierre, et sur un M. Desalles qu’il amenait de l’étranger pour être précepteur de son fils, de nouveau le prince André se mêla avec ardeur à la conversation sur Spéransky, qui se continuait entre les deux vieillards.

— S’il avait trahi, il y aurait des preuves de son intelligence secrète avec Napoléon ; on le déclare-