Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/105

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Tout d’abord il récita à voix basse, les prières très connues, en accentuant seulement quelques paroles, ensuite il les répéta, mais plus haut et avec plus d’animation. Puis il prononça ses mots, avec un effort évident, en tâchant de s’exprimer en slave. Ces paroles étaient incohérentes, mais touchantes. Il priait pour tous ses bienfaiteurs (il appelait ainsi tous ceux qui le recevaient), et entre autres, pour maman, pour nous ; puis il pria pour lui-même, demanda à Dieu le pardon de ses péchés et répéta : « Dieu pardonne à mes ennemis ! » En geignant il se leva et répéta encore et encore les mêmes paroles, se prosterna à terre et de nouveau se releva malgré le poids des chaînes qui, en frappant à terre, faisaient un bruit sec, métallique.

Volodia me pinça et me fit grand mal à la jambe, mais je ne me retournai pas : je frottai seulement l’endroit où il m’avait pincé et continuai à suivre, avec un sentiment d’admiration enfantine, de pitié et de vénération, tous les mouvements et toutes les paroles de Gricha.

Au lieu de rire et de m’amuser comme je l’espérais, en allant dans la décharge, j’éprouvais un frisson et un serrement de cœur.

Gricha resta encore longtemps dans cet état d’extase religieuse et improvisait des prières. Tantôt il répétait plusieurs fois de suite : Seigneur aie pitié de nous, mais chaque fois avec plus de force et