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Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/106

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d’expression ; tantôt il disait : Pardonne-moi, Seigneur, enseigne-moi ce qu’il faut faire… enseigne-moi ce qu’il faut faire, Seigneur ! — avec expression, comme s’il eût attendu la réponse immédiate à ses paroles ; tantôt on n’entendait que des sanglots plaintifs… Il se releva, croisa ses bras sur sa poitrine et se tut.

Je sortis tout doucement la tête de la porte et retins mon souffle. Gricha ne bougea pas ; de sa poitrine sortaient de lourds soupirs, dans la prunelle opaque de son œil borgne, éclairé par la lune, suinta une larme.

— Que ta volonté soit faite ! — exclama-t-il subitement avec une expression inexprimable, et il se prosterna, le front à terre et pleura comme un enfant.

Beaucoup d’eau a coulé depuis, beaucoup de souvenirs du passé ont perdu pour moi leur sens et sont devenus des rêves vagues, même le pèlerin Gricha a fini depuis longtemps son dernier voyage, mais l’impression qu’il produisit sur moi et le sentiment qu’il excita ne sortiront jamais de ma mémoire.

Ô grand chrétien Gricha ! Ta foi était si forte que tu sentais l’approche vers Dieu ; ton amour si grand, que les paroles coulaient d’elles-mêmes de tes lèvres — tu ne les contrôlais pas par la raison… Et quelle haute louange apportais-tu à sa magnificence, quand, ne trouvant pas de paroles,