gâter. Serioja était un brigand : en se jetant derrière le voyageur, il fit un faux pas et de toutes ses forces, il se cogna les genoux contre un arbre ; le coup était si fort que je crus qu’il allait être brisé. Bien que je fusse le gendarme et que mon devoir était de l’attaquer, j’accourus vers lui et lui demandai affectueusement s’il avait mal. Serioja se fâcha contre moi, serra les poings, frappa du pied, et d’une voix décelant qu’il s’était fait mal, il me cria :
— Eh bien ! qu’est-ce que cela signifie ? Alors il n’y a pas moyen de jouer ? Pourquoi ne m’attrapes tu pas, pourquoi ne m’attrapes-tu pas ? — répéta-t-il plusieurs fois en regardant Volodia et l’aîné des Ivine, les voyageurs, qui sautaient et couraient dans l’allée ; subitement, il poussa un cri aigu et avec un éclat de rire s’élança à leur poursuite.
Je ne saurais dire combien je fus frappé et charmé de cet acte héroïque ; malgré un mal terrible, non seulement il ne pleurait pas, mais il ne montrait même pas qu’il souffrait et n’en oubliait pas le jeu pour un moment…
Peu après cela, quand à notre jeu s’adjoignit encore Ilinka Grapp, et qu’avant le dîner, nous remontâmes, Serioja eût une nouvelle occasion de m’étonner et de me charmer par son courage extraordinaire et la fermeté de son caractère.
Ilinka Grapp était le fils d’un pauvre étranger qui jadis avait vécu chez grand’père et lui devait de