signe de la croix sur la vitre de la voiture fermée et sur l’autre.
« Eh bien ! le Christ soit avec vous ! en route ! » Iakov et les cochers (nous partions avec nos chevaux) ôtent leurs chapeaux et se signent. « Oh ! oh ! en route ! » La caisse de la voiture et la britchka commencent à sauter sur le chemin raboteux, et les bouleaux de la grande allée, l’un après l’autre, courent devant nous.
Je ne suis nullement triste : mon esprit est tourné non vers ce que je laisse, mais vers ce qui m’attend. À mesure que je m’éloigne des objets rappelant les pénibles souvenirs qui remplissent encore mon imagination, ces souvenirs perdent leur force et sont vite remplacés par le sentiment agréable de la conscience d’une vie pleine de forces, de fraîcheur et d’espoir.
J’ai rarement passé des jours — je ne dirai pas aussi gais : j’avais honte de m’adonner à la gaîté — mais si agréables, si intéressants que les quatre jours de notre voyage. Devant mes yeux n’étaient ni la porte close de la chambre de maman, devant laquelle je ne pouvais passer sans frissonner, ni le piano fermé duquel, non seulement on ne s’approchait pas, mais qu’on regardait avec une certaine crainte, ni les vêtements de deuil (nous avions de simples costumes de voyage), ni tous ces objets qui me rappelaient vivement la perte irréparable, et m’obligeaient à refréner toute manifestation de la