Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/231

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vie, afin de ne blesser en quoi que ce soit sa mémoire. Ici, au contraire, sans cesse de nouveaux sites pittoresques, de nouveaux objets arrêtent et captivent mon attention, et la nature printanière renforce dans mon âme l’agréable sentiment du contentement du présent et de l’espoir lumineux de l’avenir.

Le matin de très bonne heure, l’impitoyable — et comme il arrive toujours avec les gens qui ont un service nouveau, — et trop empressé Vassili tire la couverture et affirme qu’il est temps de partir, et que tout est déjà prêt. On a beau prier, agir de ruse, et se fâcher, pour prolonger au moins d’un quart d’heure le doux sommeil du matin, au visage résolu de Vassili on voit qu’il restera inexorable, et qu’il est prêt à tirer encore vingt fois la couverture. Alors on saute du lit et l’on s’élance dans la cour pour se laver.

Dans le couloir bout déjà le samovar, dont Mitka, le postillon, rouge comme une écrevisse, souffle le feu. La cour est humide, et comme un brouillard, s’élève la vapeur du fumier odorant ; un soleil, clair et gai, éclaire l’orient, et les larges auvents des toits de chaume qui entourent la cour sont brillants de rosée. Sous eux, nos chevaux sont attachés au râtelier et l’on entend leur mastication régulière. Un chien à longs poils, qui, avant le lever du soleil, s’est endormi sur un tas de fumier sec, s’étire paresseuse-