Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/233

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patience en agitant, de temps à autre, leurs grelots. Les valises, les malles, les coffres, grands et petits sont emballés de nouveau, et nous nous installons à nos places. Mais chaque fois, dans la britchka, au lieu de sièges nous trouvons des montagnes, si bien que nous nous demandons comment on a pu emballer tout cela la veille, et comment nous nous asseoierons maintenant ; surtout une boîte à thé en noyer, à couvercle triangulaire, qu’on apporte dans la britchka et qu’on place sous moi, me révolte le plus fortement. Mais Vassili dit que cela s’arrangera, et je suis forcé de le croire.

Le soleil se lève sur un nuage blanc, compact qui couvre l’est, et toute la campagne s’éclaire d’une douce et agréable clarté. Tout est si beau autour de moi, et mon âme est légère, tranquille… La route sauvage, comme un large ruban, s’allonge devant nous parmi les champs couverts de paille sèche et de verdure brillante de rosée ; parfois sur le bord de la route se dresse un sombre cythise, ou un jeune bouleau aux petites feuilles serrées, qui jette une ombre longue, immobile sur les ornières de terre glaise et sur l’herbe fine, verte, de la route… Le bruit monotone des roues et des grelots ne couvre pas le chant des alouettes qui voltigent près de la route même. L’odeur du drap rongé par les teignes, de la poussière ou d’un acide quelconque, qu’on respire dans notre britchka est dominée par les parfums du matin, et je sens en