Aller au contenu

Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tôt c’était la passion des bibelots dont il garnissait sa petite table et qu’il ramassait par toute la maison ; tantôt celle des romans, qu’il se procurait en cachette et qu’il lisait jour et nuit… involontairement je m’associais à ces passions, mais j’étais trop fier pour suivre ses pas, trop jeune et trop peu indépendant pour choisir une nouvelle route. Mais je n’enviais rien autant que le caractère heureux, franc, noble, de Volodia, qui se montrait nettement, surtout dans les querelles qui s’élevaient entre nous. Je sentais qu’il agissait bien, mais ne pouvais l’imiter.

Un jour, dans la période de sa grande passion pour les bibelots, je m’approchai de sa table, et par hasard, cassai un petit flacon de couleur, vide.

— Qui t’a permis de toucher à mes bibelots ? — dit Volodia qui rentrait à ce moment dans la chambre et qui s’aperçut du dérangement que j’avais apporté à la symétrie des divers objets qui ornaient sa petite table. — Où est le petit flacon ? c’est sans doute toi…

— Je l’ai fait tomber par mégarde et il s’est cassé ; le beau malheur !

— Je t’en prie, n’ose jamais toucher à ce qui m’appartient — dit-il en ramassant les morceaux du flacon brisé et en les regardant avec tristesse.

— Je t’en prie, ne commande pas — répondis-je. — C’est cassé, c’est cassé, que faire ?

Et je souris, bien que n’en ayant nulle envie.