Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/329

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parler du mariage de sa nièce avec Vassili, qu’il traitait d’homme dépourvu de bon sens et effréné.

Cette opposition eut un résultat : Vassili, qui auparavant, était assez indifférent et négligeait ses rapports avec Macha, tombait subitement amoureux d’elle, et amoureux comme seul peut l’être un domestique serf-tailleur, à blouse rose et à cheveux pommadés.

Bien que les témoignages de son amour fussent très étranges et ridicules (par exemple, en rencontrant Macha, il tâchait toujours de lui faire du mal, tantôt il la pinçait, tantôt il lui donnait un coup avec la main, ou la serrait si fort qu’elle pouvait à peine respirer), son amour était sincère ; ce qui le prouvait, c’est que du jour où Nikolaï lui refusa catégoriquement la main de sa nièce, de chagrin, Vassili se mit à boire, fréquenta les cabarets, fit du tapage, en un mot se conduisit si mal que plus d’une fois il dut subir la peine honteuse de la salle de police. Mais ces actes et leurs conséquences semblaient avoir un certain mérite aux yeux de Macha, et ne faisaient qu’accroître son amour envers lui. Quand Vassili était au poste, Macha, sans cesser de pleurer de toute la journée, se plaignait de son destin amer à Gacha (qui prenait une part très vive aux amours des amants malheureux) et, méprisant les injures et les coups de son oncle, en cachette, elle courait au poste, visiter et consoler son ami.