Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/330

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Ne vous indignez pas, lecteurs, de la société dans laquelle je vous introduis. Si dans votre âme vibrent encore les cordes de l’amour et de la compassion, dans la chambre des servantes se trouveront des sons auxquels ces cordes résonneront. Qu’il vous plaise ou non de me suivre, je m’en vais sur le palier de l’escalier d’où je vois tout ce qui se passe dans la chambre des servantes. — Voilà le poêle bas, sur lequel sont : le fer à repasser, la poupée en carton au nez cassé, une cuvette, une cruche ; voilà la fenêtre sur laquelle sont en désordre : un morceau de cire noire, une pelote de soie, un concombre vert entamé et une petite boîte à bonbons ; voila enfin une grande table rouge où se trouve, sur le travail commencé, une brique enveloppée d’indienne, et derrière la table est assise elle, dans la robe que j’aime tant, une robe de cotonnade rose, avec un fichu bleu-clair qui attire surtout mon attention. Elle coud, en s’arrêtant rarement pour se gratter la tête avec l’épingle, ou pour arranger la chandelle, et moi je regarde, et je pense : pourquoi n’est-elle pas née une dame, avec ses yeux bleu-clair, sa grosse tresse blonde, sa poitrine rebondie ! Comme ça lui irait bien d’être dans le salon avec un petit bonnet à rubans roses et dans une robe de chambre de soie pourpre, mais pas comme celle de Mimi, comme celle que j’ai vue au boulevard Tverskoié. Elle travaillerait à un métier à tapisserie et moi je la regarderais dans