ne peut être heureux qu’en jouissant du présent sans songer à l’avenir, et, sous l’influence de cette pensée, pendant trois jours, je négligeais tout à fait les leçons et ne pensais plus qu’à cela, lorsque, allongé au lit, je jouissais de la lecture d’un roman quelconque, ou lorsque je mangeais le pain d’épices au miel acheté de mon dernier argent.
Une autre fois, debout devant le tableau noir sur lequel je traçais avec la craie diverses figures, je fus subitement frappé d’une pensée : pourquoi la symétrie est-elle agréable aux yeux ? Qu’est-ce que la symétrie ? — C’est un sentiment inné, me répondis-je. Sur quoi est-il basé ? Est-ce qu’en tout, dans la vie, il y a une symétrie ? Au contraire, voilà la vie — et je traçai sur le tableau une figure ovale. — Après la vie, l’âme passe dans l’éternité ; voilà l’éternité, — et de l’autre côté de la figure ovale je traçai une ligne allant jusqu’au bout du tableau. Pourquoi donc, de l’autre côté, n’y a-t-il pas de figure pareille ? Et en effet, quelle peut être l’éternité seulement d’un côté ? Probablement que nous avons existé avant cette vie, bien que nous en ayons tout à fait perdu le souvenir.
Ce raisonnement qui me semblait extraordinairement neuf et dont maintenant je puis à peine saisir les liens, me plaisait énormément, et prenant une feuille de papier, je pensai l’y consigner ; mais avant cela, dans ma tête accoururent spontanément une telle foule d’idées que je fus forcé de me