Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol1.djvu/47

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lui naturellement, c’est agréable d’être assis dans son bon fauteuil et de lire son hydrostatique… Et pour moi ? » — Alors pour le faire penser à moi, j’ouvrais et refermais tout doucement la porte du poêle, ou bien je faisais tomber des plâtras de la muraille ; mais subitement, si le morceau était trop gros et faisait trop de bruit en tombant, rien que ma peur était vraiment pire que tout. Je regardais Karl Ivanovitch, — il restait avec son livre dans la main et semblait ne s’apercevoir de rien.

Au milieu de la chambre se trouvait une table recouverte d’une toile cirée noire, déchirée, sous laquelle, en maints endroits, on apercevait les bords tailladés de coups de canif. Autour de la table il y avait quelques escabeaux de bois non peints, polis par un long usage. Le dernier mur était occupé par trois fenêtres. Voici quelle vue on avait de ces fenêtres : juste au-dessous de la première — une route dont chaque ornière, chaque caillou, chaque détour m’est depuis longtemps connu et cher ; de l’autre côté du chemin — l’allée de tilleuls, taillés, derrière lesquels, par endroits, on aperçoit la palissade ; puis après la prairie avec, d’un côté, l’enclos aux meules, et en face le bois ; dans le lointain, la petite maison du garde. Par la fenêtre de droite, on apercevait un coin de la terrasse ou les grandes personnes venaient s’asseoir en attendant le dîner. Parfois, pendant que Karl Ivanovitch me corrigeait ma dictée, il m’arrivait de regarder de ce côté et