Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/192

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C’est la seule chose nécessaire. Je me marierai lorsque je serai convaincu qu’il le faut.

— Mais la mère ne saurait rester indifférente entre un gendre qui soit bon et travailleur, ou un gendre qui soit précisément le contraire. Elle doit te préférer à tout autre.

— Non. Cela lui est absolument égal, car elle sait que tous nos frères sont aussi bien que moi prêts à l’aider et lui être utile, comme nous le sommes pour tous nos frères et sœurs, et que, son gendre ou non, je continuerai à faire pour elle tout ce que je pourrai. S’il arrive que je me marie avec sa fille, j’en serai heureux, de même que je me réjouirai de son mariage avec un autre.

— Ce que tu dis là est impossible ! s’écria Jules. Voilà ce qu’il y a de terrible chez vous, chrétiens, c’est que vous vous trompez vous-mêmes, et, par suite, trompez les autres. L’étranger m’a dit de vous des choses justes. Quand je t’écoute, je me laisse prendre au charme de la vie que tu dépeins, mais quand je réfléchis, je vois qu’elle n’est qu’une tromperie, une tromperie qui amène à une sauvagerie, à une brutalité, qui rapproche la vie de celle des bêtes.

— En quoi vois-tu cette sauvagerie ?

— Dans ce fait que, travaillant pour gagner votre vie, vous n’avez ni le temps ni le moyen de vous adonner aux sciences et aux arts. Par exemple, toi, tu es déguenillé ; tes pieds et tes mains sont