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Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/241

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cigarettes, ni jolie ni jeune, le visage émacié, coiffée d’une toque et vêtue d’un paletot de coupe masculine ; son compagnon, un monsieur très loquace, d’une quarantaine d’années, dont les bagages étaient neufs et soignés ; puis un monsieur se tenant à l’écart, un monsieur de petite taille, qui avait des mouvements saccadés, des yeux extraordinairement brillants, courant avec rapidité d’un objet à l’autre, et des cheveux bouclés, prématurément gris. Il portait un pardessus élimé à col d’astrakan, de chez un bon faiseur, et un haut bonnet d’astrakan. Quand il déboutonnait son pardessus on apercevait une poddiovka et une chemise russe brodée. Une autre particularité de ce monsieur était celle-ci : de temps en temps il produisait un son bizarre qui ressemblait à un raclement de gorge ou à un rire brusquement arrêté.

Ce monsieur, durant tout le trajet, évitait soigneusement de lier conversation avec les voyageurs. Quand ses voisins lui adressaient la parole, il répondait brièvement, d’une façon tranchante, puis se mettait à lire ou regardait obstinément par la portière du wagon ; ou bien, tirant des provisions d’un vieux sac, il buvait du thé et mangeait.

Il me semblait que la solitude lui pesait et plusieurs fois je voulus causer avec lui, mais, quand nos yeux se rencontraient, ce qui arrivait fréquemment puisque nous étions assis presque en face