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Page:Tolstoï - Œuvres complètes vol27.djvu/366

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La route était unie, la lumière éclatante et l’air vivifiant. La voiture était confortable. Au lever du soleil je partis et me sentis plus à l’aise. En regardant les chevaux, les champs, les passants, j’oubliais où j’allais. Parfois il me semblait que je voyageais simplement et que ce qui motivait mon retour n’était pas ; et j’étais heureux quand je m’oubliais ainsi. Mais dès que je me rappelais où j’allais, je me disais : « On verra après ; n’y pense pas ! » À mi-chemin, se produisit un incident qui m’arrêta quelques heures en route et par lequel je fus distrait davantage : quelque chose dans la voiture se brisa ; il fallut la réparer. Cet incident eut une importance considérable en ce que, au lieu d’arriver à Moscou à cinq heures, comme je le pensais, je n’y arrivai qu’à minuit, et ne fus à la maison qu’à minuit passé, puisque j’avais manqué le rapide et avais dû prendre un train omnibus. La recherche d’une charrette, la réparation, les paiements, le thé dans l’auberge, la conversation avec le portier, tout cela me distrayait encore davantage. À la tombée de la nuit tout fut près ; je me remis en route, et le voyage fut encore plus agréable que dans la journée. La lune à son premier quartier, une petite gelée, la route encore bonne, les chevaux, le postillon joyeux : tout cela m’égayait ; je songeais à peine à ce qui m’attendait, ou peut-être étais-je content encore de ce qui m’attendait, pour dire adieu à la vie. Mais cet état