Page:Tolstoï - A la recherche du bonheur.djvu/164

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les mettre ? J’étais alors la seule nourrice du village, j’allaitais mon premier-né depuis huit semaines ; je les pris pour quelque temps chez moi.

Les moujiks se réunirent, on causa, on se demanda ce qu’on ferait d’elles, et voici ce qu’ils me dirent : « Maria, garde-les chez toi en attendant, ces petites, nourris-les de ton lait, et donne-nous du temps pour nous mettre d’accord. » J’avais déjà donné à téter à l’une, mais je n’avais rien donné à l’autre, à la pauvre estropiée ; je ne pensais pas qu’elle pût vivre ; et puis je me fis des reproches ; elle geignait, elle me fit pitié. Pourquoi cette petite âme d’ange doit-elle souffrir ? Je la fis téter et je les allaitai tous les trois, le mien et les orphelines. J’étais jeune et forte, je mangeais bien, j’eus du lait en abondance, le Seigneur me combla. Je faisais téter deux des enfants, et le troisième attendait ; l’un des