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Page:Tolstoï - A la recherche du bonheur.djvu/202

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La cadette en est vexée, et se met à rabaisser la vie d’un marchand et à rehausser la sienne, celle d’une paysanne.

— Je ne changerais pas, dit-elle, ma condition pour la tienne ; quoique notre vie soit sombre, à nous autres, nous ne connaissons pas la crainte. Vous vivez plus proprement que nous, mais tantôt vous gagnez beaucoup, tantôt vous perdez tout. Et le proverbe dit : la perte est au profit une grande sœur. Il arrive qu’aujourd’hui tu es riche, et que demain tu tendras la main. Notre existence de moujiks est plus sûre. Chez le moujik, le ventre est mince, mais long ; nous ne serons jamais riches, mais nous aurons toujours à manger.

L’aînée se mit à dire :

— Oui, mais en vivant avec des cochons et des veaux ! Pas de belles manières, ni de confort, malgré tout le travail de ton mari : comme vous demeurez dans l’ordure, vous y mourrez