Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 1.djvu/455

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de siffler, et, qui pis est, refusa d’obéir à l’Anglaise, et fut privé de dessert ! Quand elle apprit le méfait de l’enfant, Dolly, qui, présente, eût tout adouci, dut soutenir la gouvernante et confirmer la punition. Cet épisode troubla la joie générale.

Grisha se mit à pleurer, disant que Nicolas avait sifflé aussi, mais que lui seul était puni, et que, s’il pleurait, c’était à cause de l’injustice de l’Anglaise, et non pour avoir été privé de tarte. Daria Alexandrovna, attristée, voulut arranger la chose.

Pendant ce temps, le coupable, réfugié au salon, s’était assis sur l’appui de la fenêtre, et, en traversant cette pièce, Dolly l’aperçut, ainsi que Tania, debout devant lui, une assiette à la main. Sous prétexte de faire un dîner à ses poupées, la petite fille avait obtenu la permission d’emporter un morceau de tarte dans la chambre des enfants, et c’était à son frère qu’elle l’apportait. Grisha, tout en pleurant sur l’injustice dont il se croyait victime, mangeait en sanglotant et disait à sa sœur au milieu de ses larmes : « Mange aussi, mangeons à nous deux ». Tania, pleine de sympathie pour son frère, mangeait les larmes aux yeux, avec le sentiment d’avoir accompli une action généreuse.

Ils eurent peur en apercevant leur mère, mais l’expression de son visage les rassura ; ils coururent aussitôt vers elle, lui baisèrent les mains de leurs bouches