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Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/168

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Entré à l’Académie avec une certaine réputation, il a voulu s’instruire, car il n’est pas sot, et dans ce but s’est adressé à la source de toute science : les journaux et les revues. Dans le bon vieux temps, si un homme, — disons un Français, — avait l’intention de s’instruire, que faisait-il ? il étudiait les classiques, les prédicateurs, les poètes tragiques, les historiens, les philosophes, — et vous comprenez tout le travail intellectuel qui en résultait pour lui. Mais chez nous, c’est bien plus simple, on s’adresse à la littérature négative et l’on s’assimile très facilement un extrait de cette science-là. — Et encore, il y a vingt ans, cette même littérature portait des traces de la lutte contre les autorités et traditions séculaires du passé, et ces traces de lutte enseignaient encore l’existence de ces choses-là. Mais maintenant on ne se donne même plus la peine de combattre le passé, on se contente des mots : sélection, évolution, lutte pour l’existence, néant ; cela suffit à tout. Dans mon article…

— Savez-vous ce qu’il faut faire, dit Anna coupant court résolument au verbiage de Golinitchef, après avoir échangé un regard avec Wronsky, allons voir votre peintre… »

Golinitchef y consentit volontiers, et, l’atelier de l’artiste se trouvant dans un quartier éloigné, ils s’y firent mener en voiture.

Une heure plus tard, Anna, Golinitchef et Wronsky arrivaient en calèche devant une maison neuve et laide. Les visiteurs envoyèrent leur carte à Mikhaïlof, avec prière d’être admis à voir son tableau.