Page:Tolstoï - Anna Karénine, 1910, tome 2.djvu/27

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que l’avocat courait encore vers la porte répondre à une nouvelle interruption de son secrétaire.

« Dites-lui donc que nous ne sommes pas dans une boutique », cria-t-il avant de revenir à sa place, et il attrapa chemin faisant une mite en murmurant tristement : « Jamais mon repos n’y résistera ! »

« Vous me faisiez l’honneur de me dire… ?

— Je vous écrirai à quel parti je m’arrête, répondit Alexis Alexandrovitch s’appuyant à la table, et puisque je puis conclure de vos paroles que le divorce est possible, je vous serais obligé de me faire connaître vos conditions.

— Tout est possible si vous voulez bien me laisser une entière liberté d’action, dit l’avocat éludant la dernière question. Quand puis-je compter sur une communication de votre part ? demanda-t-il en reconduisant son client, avec des yeux aussi brillants que ses bottes.

— Dans huit jours. Vous aurez alors la bonté de me faire savoir si vous acceptez l’affaire, et à quelles conditions.

— Parfaitement. »

L’avocat salua respectueusement, fit sortir son client, et, resté seul, sa joie déborda ; il était si content qu’il fit, contrairement à tous ses principes, un rabais à une dame habile dans l’art de marchander. Il oublia même les mites, résolu à recouvrir, l’hiver suivant, son meuble de velours, comme chez son confrère Séganine.