Page:Tolstoï - De la vie.djvu/82

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Il ne trouvera jamais dans ses souvenirs ce point, ce commencement de la conscience réfléchie. Il lui semble qu’elle a toujours résidé en lui. S’il découvre quelque chose d’analogue à l’origine de cette conscience, ce n’est pas en tout cas dans sa naissance charnelle, mais dans une région qui n’a rien de commun avec elle. Sa naissance rationnelle lui apparaît sous un tout autre aspect que sa naissance charnelle. Quand l’homme s’interroge sur l’origine de sa conscience réfléchie, il ne se considère jamais en tant qu’être raisonnable, comme le

    qui, voulant mesurer une ligne quelconque, choisirait sur une ligne infinie, à des distances indéterminées, des points imaginaires, et mesurerait l’espace compris entre ces points et lui, au lieu de commencer à partir du point connu qu’il occupe. N’est-ce pas ainsi que se comportent les gens qui discutent sur le principe et le développement de la vie dans l’homme ? En effet, où trouver sur cette ligne infinie qui est le développement de la vie humaine dans le passé, ce point arbitraire à partir duquel il soit possible de commencer l’histoire fantastique de l’évolution de cette vie. Est-ce la naissance ou la procréation de l’enfant ou de ses parents, ou, en remontant plus haut, l’animal primitif, le protoplasme ou le premier fragment détaché du soleil ? Tous ces raisonnements sont du domaine de la pure fantaisie ; c’est mesurer sans mesure.