Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/125

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les livres, mais par le moyen le plus simple, celui-ci : que chaque homme sollicité à participer à la violence sur ses frères et sur soi-même se demande avec étonnement : « Pourquoi le ferais-je ? »

Ce ne sont pas les institutions compliquées, les associations, les arbitrages, etc., qui sauveront l’humanité, c’est ce simple raisonnement, quand il deviendra général. Et il peut et doit le devenir bientôt. La situation des hommes de notre temps est semblable à celle de l’homme endormi que tourmente un cauchemar pénible : l’homme se voit dans une situation épouvantable, il attend un mal horrible auquel lui-même participe ; il sent que ce ne doit pas être, mais il ne peut s’arrêter et le mal se rapproche de plus en plus ; l’homme est pris de désespoir, il est à bout et il se pose la question : mais est-ce bien la vérité ? Et il suffit qu’il doute de la vérité pour qu’aussitôt il s’éveille et que se dissipe tout ce qui l’angoissait et le faisait souffrir.

Il en est de même avec ce signe de la violence, de l’asservissement, de la cruauté et de la nécessité d’y participer, avec cette terrible contradiction entre la conscience chrétienne et la vie barbare, dans laquelle se trouvent les peuples européens. Mais qu’ils s’éveillent du sommeil dans lequel ils sont plongés, qu’ils