Aller au contenu

Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/354

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

bien général, mais qui exige de nous une seule chose : le perfectionnement moral, c’est-à-dire notre affranchissement de toutes les faiblesses, de tous les vices qui font de nous les esclaves des gouvernements et les complices de leurs crimes.


§


J’avais terminé cet article et me demandais s’il fallait le publier ou non, quand je reçus une remarquable lettre, non signée.

La voici :


Depuis déjà plusieurs jours, je ne puis me ressaisir. Quand quelqu’un commence à me parler des ouvriers massacrés, je ressens pour lui de la haine et j’éprouve une sorte de mal physique.

Il y avait des monceaux de cadavres, des femmes et des enfants ensanglantés, emmenés dans des voitures… Mais est-ce là ce qui est horrible ? Non, ce sont les soldats avec leurs visages bonasses, ordinaires, sans pensées, sans compréhension, qui sont horribles ! Les soldats qui battent la semelle sur la neige et attendent l’ordre de fusiller quelqu’un. C’est, le public aussi, avec son aspect ordinaire, curieux, qui est horrible. Même les plus braves gens viennent là pour voir eux-mêmes, ou apprendre des autres, des choses épouvantables, les cadavres ensanglantés, mutilés, etc… Comme si l’on pouvait voir quelque chose de plus effroyable que ces soldats qui sont comme toujours et ces braves gens qui ne veulent qu’une chose : des frissons d’horreur