Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/43

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il s’étonnera de votre question. Il est soldat, il a prêté serment, il exécutera les ordres des chefs. Et si vous lui dites que la guerre, c’est-à-dire l’assassinat des hommes, ne concorde pas avec le commandement : Tu ne tueras point, il répondra : « Mais comment faire, si l’on attaque les nôtres ? C’est pour le tzar, pour la religion orthodoxe. » Un, à ma question, m’a répondu : « Mais si l’on attaque les choses sacrées ?

« — Lesquelles ?

« — Le drapeau. »

Et si vous essayez d’expliquer à un tel soldat que le commandement de Dieu est plus important que le drapeau et même que tout au monde, il se taira, ou se fâchera et vous dénoncera aux autorités.

Demandez à un officier, à un général, pourquoi il va à la guerre, il vous dira qu’il est militaire, et que les militaires sont nécessaires pour la défense de la patrie, et le fait que le meurtre ne concorde pas avec l’esprit de la loi chrétienne ne le gêne nullement, parce que, ou il ne croit pas en cette loi, ou, s’il y croit, ce n’est pas en la loi même, mais en l’explication qu’on donne de cette loi. Et, le principal, c’est que lui, comme le soldat, à la place de la question précise : que doit-il faire ? met toujours la question générale du gouvernement et