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Page:Tolstoï - Dernières Paroles.djvu/89

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n’ont aucun droit, qui est prise d’une façon pillarde à ses vrais propriétaires et qui, en réalité, n’est point nécessaire aux Russes, et encore pour les affaires louches de quelques tripoteurs qui voulaient gagner de l’argent en spéculant sur les forêts de la Corée, on dépense maintenant des millions de roubles, c’est-à-dire la plus grande partie du travail de tout le peuple russe, on endette les futures générations de ce peuple, ses meilleurs ouvriers sont arrachés au travail, et des dizaines de milliers de ses fils sont conduits impitoyablement à la mort !

Et la perte de ces malheureux commence déjà. C’est peu encore : la guerre est si mal menée par ceux qui l’ont organisée, on y est si mal préparé que, comme le dit un journal, la chance principale du salut de la Russie, c’est qu’elle a « un matériel humain inépuisable ». C’est sur cela que comptent ceux qui envoient à la mort des dizaines de mille Russes.

On dit tout nettement : « Les insuccès de notre flotte doivent être compensés sur terre. » En bon russe, cela signifie que si les chefs ont mal mené les affaires sur mer et ont perdu par leur négligence non seulement des milliers de roubles du peuple, mais encore des milliers de vies, nous rachèterons cela en conduisant à la mort, sur terre, encore des dizaines de mille hommes !