« Dieu, Dieu, quel péché, et tu as un fils ! dit-elle en devenant toute rouge, de pâle qu’elle était… Qu’as-tu dit ? Que Dieu te pardonne ! » et elle se signa. « Ah ! que Dieu lui pardonne, » ajouta-t-elle en s’adressant à la princesse Marie, et en rassemblant ses hardes pour s’en aller.
Elle était prête à pleurer, elle avait peur, elle avait honte de profiter des bienfaits d’une maison où on parlait ainsi, et peut-être en même temps regrettait-elle d’être obligée d’y renoncer.
« Quel plaisir avez-vous à les troubler dans leur foi ? dit la princesse Marie. Pourquoi êtes-vous venus ?
— Mais, princesse, c’est une plaisanterie que j’ai faite à Pélaguéïouchka ! Princesse, ma parole, je n’ai pas voulu l’offenser. Ce n’est pas sérieux, je t’assure ! »
Pélaguéïouchka s’arrêta d’un air incrédule, mais la sincérité du repentir qui se lisait sur les traits de Pierre et le regard affectueux du prince André l’apaisèrent peu à peu.
XIV
Remise de son émotion et ramenée à son sujet favori, elle leur parla du père Amphiloche, de sa sainte existence, et comme quoi sa main sentait l’encens ; comment aussi à Kiew, à son dernier pèlerinage, un moine de sa connaissance lui avait donné les clefs des catacombes, et comment elle y avait passé quarante-huit heures avec les saints, ayant un morceau de pain sec pour toute nourriture :
« Je priais devant l’un, puis je disais mes prières devant un autre. Je dormais un petit peu, je baisais un troisième ; et quelle paix, ma mère, quelle paix céleste ! Je n’avais plus envie de remonter sur la terre du bon Dieu. »
Pierre l’écoutait et l’observait attentivement ; le prince André quitta la chambre, et sa sœur, abandonnant à elles-mêmes « les hommes de Dieu », emmena Pierre au salon.
« Vous êtes très bon, lui dit-elle.
— Je n’ai pas voulu l’offenser, croyez-moi ; j’apprécie ses sentiments ! »
La princesse Marie lui répondit par un sourire :
« Je vous connais depuis longtemps, je vous aime comme un frère. Comment avez-vous trouvé André ? Il m’inquiète. Sa