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Page:Tolstoï - Guerre et Paix, Hachette, 1901, tome 1.djvu/455

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« Je ne puis pas me fendre en deux, disait le premier, je t’attendrai ce soir chez Makar Alexéïévitch. Fais ce que tu pourras ! N’est-ce pas la même chose ?

— Qui demandez-vous, Votre Noblesse ? dit le docteur à Rostow, pourquoi venez-vous ici chercher le typhus, quand vous avez échappé aux balles ?… C’est ici la maison des pestiférés !

— Comment ? demanda Rostow.

— Le typhus est terrible ; qui entre ici est mort. Nous y avons résisté, Makéïew et moi, ajouta-t-il en montrant son collègue : cinq de nos confrères y ont succombé. Une semaine après l’entrée d’un nouveau…, et c’est fini. On nous a adjoint des Prussiens, mais cela leur déplaît, à nos alliés ! »

Rostow lui expliqua qu’il désirait voir le major Denissow :

« Je ne sais pas, je ne le connais pas, et ce n’est pas étonnant ; j’ai trois hôpitaux sur les bras, et quatre cents malades et plus ! C’est encore heureux que les charitables dames allemandes nous envoient deux livres de café et de charpie par mois, sans cela nous n’y résisterions pas… quatre cents, entendez-vous, sans compter les nouveaux à recevoir. »

L’air fatigué et épuisé du chirurgien trahissait son impatience de voir le docteur bavard continuer son chemin.

« Le major Denissow, répéta Nicolas, blessé à Molliten ?

— Ah oui ! je crois qu’il est mort, n’est-ce pas, Makéïew ? dit le docteur avec la plus parfaite indifférence ; mais le chirurgien fut d’un autre avis.

— Est-ce un roux, de haute taille ? » demanda le docteur, et au signalement que lui en donna Rostow, il s’écria avec joie :

« Oui, oui, je me rappelle, il doit être mort. Du reste, je vais regarder sur mes listes. Sont-elles chez toi, Makéïew ?

— Elles sont chez Makar Alexéïévitch. Ayez l’obligeance, dit Makéïew, en s’adressant à Rostow, d’entrer vous-même dans la salle des officiers.

— Je vous engage, mon cher, à ne pas y aller, vous risqueriez d’y laisser votre peau, dit le docteur ; mais Rostow prenant congé de lui, pria le chirurgien de l’y conduire.

— Ne vous en prenez qu’à vous-même s’il vous arrive malheur, » lui cria le médecin du bas de l’escalier.

L’odeur de l’hôpital était si écœurante dans le sombre corridor qu’ils traversaient, que Nicolas se boucha les narines, et s’arrêta même tout étourdi. Une porte s’ouvrit à droite, un