Page:Tolstoï - Guerre et Paix, Hachette, 1901, tome 3.djvu/11

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA GUERRE ET LA PAIX




TROISIÈME PARTIE

BORODINO — LES FRANÇAIS À MOSCOU — ÉPILOGUE
1812 — 1820


CHAPITRE PREMIER

I

Le 5 septembre eut lieu le combat de Schevardino ; le 6, pas un coup de fusil ne fut tiré de part ni d’autre, et le 7 vit la sanglante bataille de Borodino ! Pourquoi et comment ces batailles furent-elles livrées ? On se le demande avec stupeur, car elles ne pouvaient offrir d’avantages sérieux ni aux Russes ni aux Français. Pour les premiers, c’était évidemment un pas en avant vers la perte de Moscou, catastrophe qu’ils redoutaient par-dessus tout, et, pour les seconds, un pas en avant vers la perte de leur armée, ce qui devait sans nul doute leur causer la même appréhension. Cependant, quoiqu’il fût facile de prévoir ces conséquences, Napoléon offrit la bataille et Koutouzow l’accepta. Si des raisons véritablement sérieuses eussent dirigé les combinaisons stratégiques des deux commandants en chef, ni l’un ni l’autre n’aurait dû dans ce cas s’y décider, car évidemment Napoléon, en courant le risque de perdre le quart de ses soldats à deux mille verstes de la frontière, marchait à sa ruine, et Koutouzow, en s’exposant à la même chance, perdait fatalement Moscou.