Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/334

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La vieille s’approcha de la mourante, la regarda, hocha la tête, et lui couvrit le visage avec un morceau de toile. Ensuite elle s’approcha du prêtre et lui mit une pièce dans la main.

Il savait que c’était cinq kopecks ; il les prit.

Le paysan entra dans l’izba.

— Fini ? demanda-t-il.

— Elle se meurt, répondit la vieille.

À ces mots, l’aînée des fillettes se mit à sangloter en prononçant quelque chose, et les trois enfants qui étaient sur le poêle, commencèrent eux aussi à hurler. Le paysan se signa, s’approcha de sa femme, souleva le morceau de toile et la regarda.

Le visage exsangue était calme et immobile.

Le paysan regarda la morte pendant deux minutes, puis, avec précaution, remit la toile sur le visage, et, se signant plusieurs fois, se tourna vers le prêtre et lui dit :

— Eh bien, on part ?

— Que faire ? Allons.

— Bon. Je vais seulement faire boire la jument. Le paysan sortit de l’izba.

La vieille priait et sanglotait ; elle parlait des orphelins sans mère, qui n’ont personne pour les faire manger ni pour les habiller, et disait que les enfants sans mère sont comme des oiseaux tombés du nid. Et, après chaque tirade, ses sanglots redoublaient ; elle priait bruyamment et, s’écoutant, parlait de plus en plus haut.

Le prêtre qui entendait cela devenait de plus en plus triste. Il eut pitié des enfants, et voulut faire