Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/44

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de l’étui qui était posé dessus, et, sans mot dire, alla à l’extrémité de la clairière, à l’endroit par où Hadji Mourad avait débouché. Eldar, qui était descendu de cheval, prit avec le sien celui de Hadji Mourad, et, en tirant haut les têtes des deux chevaux, il les attacha à des arbres, puis comme Gamzalo il prit son fusil et alla se poster à l’autre extrémité de la clairière.

Le bûcher était éteint et la forêt ne semblait plus aussi noire, bien que les étoiles éclairassent faiblement dans le ciel.

Observant les étoiles, les feux de la nuit, qui déjà atteignaient la moitié du ciel, Hadji Mourad estima que minuit était passé depuis longtemps et qu’il était temps de dire la prière de la nuit. Il prit son manteau, et alla vers l’eau. Il enleva ses chaussures, fit ses ablutions, se tint pieds nus sur le manteau, ensuite s’assit sur ses talons et, bouchant d’abord avec ses doigts ses oreilles, et fermant les yeux, il prononça, en se tournant vers l’Orient, sa prière habituelle. Quand elle fut terminée il revint près de ses compagnons, s’assit sur son manteau, le coude appuyé sur ses genoux et la tête baissée, et il se mit à songer. Hadji Mourad avait foi en son étoile. Chaque fois qu’il entreprenait quelque chose, il était d’avance fermement convaincu du succès et tout lui souriait. Il en avait été ainsi, à de rares exceptions près, pendant toute sa tumultueuse vie militaire. Il espérait qu’il en serait encore de même. Il se représentait comment, avec l’armée que lui donnerait Vorontzoff, il irait contre