Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/89

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— Bon, bon, dit Vorontzoff. Nous réfléchirons à cela aussi. Et maintenant, qu’on le conduise chez le chef de l’État Major, à qui il exposera en détail sa situation, ses intentions et ses désirs.

Par cela se termina la première entrevue de Hadji Mourad avec Vorontzoff.

Le même jour, dans la soirée, au nouveau théâtre orné en style oriental, on donnait un opéra italien. Vorontzoff était dans sa loge, et à l’orchestre parut la figure imposante de Hadji Mourad, boiteux, en turban. Il était accompagné d’un aide de camp de Vorontzoff, attaché à sa personne, Loris Melikoff, et il prit place au premier rang. Il écouta le premier acte avec toute la dignité orientale, musulmane, non seulement sans exprimer d’étonnement, mais avec un air d’indifférence absolue. Ensuite Hadji Mourad se leva, regarda tranquillement les spectateurs, et sortit en attirant sur soi l’attention de tout le public.

Le lendemain était un lundi, jour de la soirée hebdomadaire des Vorontzoff. Dans une grande salle brillamment éclairée, se faisait entendre la musique dissimulée dans le jardin d’hiver. Des femmes jeunes et d’un certain âge, en des toilettes qui dénudaient leurs cous, leurs bras, leurs poitrines, tournaient dans les bras de messieurs aux uniformes éclatants. Près des buffets, des valets, en habit rouge, culotte courte et souliers, versaient du Champagne et offraient des bonbons aux dames. La femme du Sardar, également demi-nue, malgré son âge respectable, circulait parmi