Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/10

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— Décidément tu ne peux pas me comprendre. Puis-je souhaiter le malheur des Doutlof ? Ai-je quelque chose contre lui ?… Dieu m’est témoin que je ferai tout au monde pour eux.

Elle regarda un tableau qui se trouvait vis-à-vis d’elle, puis baissa les yeux se souvenant que ce n’était pas une image.

— Mais il ne s’agit pas de cela maintenant, pensa-t-elle.

Décidément, l’idée de payer trois cents roubles pour le malheureux paysan ne lui venait pas à l’esprit.

— Que veux-tu que je fasse ? Est-ce que je connais toutes ces affaires-là ? Je me fie à toi complètement ; fais en sorte que tout le monde soit content. Que faire ? Ils ne sont ni les premiers, ni les derniers… c’est un mauvais moment à passer… Tout ce que je sais, c’est qu’il est impossible d’envoyer Polikei… Tâche donc de comprendre que cela serait terrible de ma part.

Elle aurait encore parlé longtemps sur le même ton, tellement elle s’était montée, mais à ce moment la porte s’ouvrit et la femme de chambre entra.

— Que veux-tu ? Dounachia ?

— Un paysan est venu demander à Iégor Ivanovitch si la foule devait l’attendre ou s’en aller ?… dit-elle en lançant un regard de colère à Iégor Ivanovitch.

— Cet intendant est insupportable, pensa-t-elle, il a chagriné madame, et elle ne me laissera pas dormir jusqu’à deux heures de la nuit…

— Eh bien ! va, Iégor, et fais en sorte que tout le monde soit content.

— Très bien, madame.

Et il ne parla plus de Doutlof.