Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/106

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si je puis tromper les hommes, je n’arriverai jamais ni à tromper Dieu, ni à me tromper moi-même. Je ne suis pas un homme majestueux, mais je suis pitoyable et ridicule.

Et, relevant les plis de son froc de moine, il contempla en souriant ses maigres et pitoyables jambes.

Et il se remit à prier, à se signer et à se prosterner.

— Ce lit deviendra-t-il mon cercueil ? disait-il, cependant que quelques voix diaboliques lui chuchotaient à l’oreille : « Le lit solitaire est un cercueil. Mensonge ! »

Et son imagination lui montra les épaules de la veuve qui avait été sa maîtresse. Il se secoua et continua sa lecture.

Ayant terminé avec les « Règlements », il prit l’Évangile, l’ouvrit et ses yeux tombèrent sur un passage qu’il connaissait presque par cœur et qu’il répétait souvent.

— Je crois, mon Dieu, aidez, secourez mon manque de foi !

Il rejeta les doutes qui lui venaient. Comme on place un objet vacillant pour lui donner un équilibre stable, de même il redresse sa foi et, s’écartant doucement, comme pour ne point l’ébranler, il recula. Un peu de calme revint ; et il se mit à répéter sa prière d’enfant : « Mon Dieu, prenez-moi, prenez-moi ! » Et se sentant non seulement léger, mais heureux et attendri, il se signa et s’étendit sur le banc étroit, son froc d’été plié sous sa tête…

Dans son sommeil léger, il lui sembla entendre des clochettes. Il ne savait pas si c’était en un rêve ou dans la réalité. Soudain, on heurta la porte et il s’éveilla tout à fait. Il n’en crut pas ses oreilles, mais